8.3.09

L’Homme antédiluvien : les vestiges de l’homme et l’avenir des commencements

L’Homme antédiluvien : les vestiges de l’homme et l’avenir des commencements
Jean-Yves Pautrat

En l’année 1859, Boucher de Perthes connaît la consécration qui lui vaudra le titre de père de la préhistoire. Cependant, quel sens peut avoir une commémoration ? Il faut ici songer que l’histoire des sciences ne saurait être une simple (et pieuse) remontée aux sources, qui voudrait établir une continuité linéaire entre son œuvre et notre rationalité.
Le discours intitulé « De l’homme antédiluvien et de ses œuvres » (7 juin 1860), qui fait le récit de ses découvertes, des controverses et de son combat, et de sa reconnaissance par la science officielle, nous invite à reconsidérer l’originalité du projet de Boucher de Perthes, le cheminement de ses anticipations, comme les schèmes de son argumentation pour comprendre ce qui est effectivement pensé, le nœud des problèmes et des questions dans un savoir qui n’est plus le nôtre.
La figure de l’homme antédiluvien surgit en cet espace, encore incertain, dessiné par une nouvelle configuration des savoirs qui fait se rencontrer, dans la première moitié du XIXe siècle, la géologie des révolutions du globe de Cuvier, puis les thèses actualistes, la paléontologie et la méthode stratigraphique, la tradition biblique et une méditation sur la progression de la vie.
On peut alors se demander quel sens il faut donner à cet homme antédiluvien. L’archéo-géologie de Boucher de Perthes, qui affirme la haute antiquité de l’homme, s’élabore dans un système de culture où la géologie et la théologie, les questions de la vie et de l’épaisseur du temps, et la philosophie libérale peuvent se confronter dans une recherche sur l’inscription de l’homme dans une histoire cyclique de la terre, et dans une interrogation sur le sens de sa destinée, dans la progression des êtres. Il en résulte quelques hypothèses, et les inductions appellent des prévisions, qui peuvent ouvrir un nouvel espace d’investigation, qui deviendra celui de la préhistoire, qui peuvent aussi inspirer une ébauche d’anthropologie culturelle.