22.3.09

…Et l’art fit l’homme

Denis Vialou
…Et l’art fit l’homme

Le concept d’Homo faber au début du XXe siècle s’est emparé de l’image de l’Homme préhistorique, le confinant dans le monde de l’utile, c'est-à-dire un monde de nature technique et économique.
La reconnaissance, ethnographique puis esthétique, d’arts primitifs, également dans la première moitié du siècle dernier, apporta une nouvelle vision de l’étendue culturelle des sociétés et du pouvoir créateur universel de l’Homme, au sein même de ses diversités historiques et culturelles.
Cependant, le XIXe siècle avait déjà apporté cette dimension transcendantale, pourrait-on dire, de l’Homme encore primitif des plus lointains passés, ceux de ce qui fut appelé Préhistoire. En effet, les découvertes répétées d’objets gravés et sculptés, inaugurées en 1834 à Chaffaud par un fragment de côte d’herbivore gravée de deux biches soigneusement figurées, alors classé « antiquité préceltique » dans le Musée Cluny, avaient conduit à concéder aux Préhistoriques (encore inconnus) le statut flatteur d’ « artistes ».
Avant même les découvertes de parois ornées paléolithiques (à partir de 1879 à Altamira, Espagne), la qualification du beau (résolument académique à cette époque) et la catégorisation d’objets d’art, sculptés notamment, avaient fait de ces supposés primitifs, d’authentiques hommes, parachevés en quelque sorte ; leurs fabrications d’outils de pierre qui permirent de les identifier en tant que tels, avant « 1859 », n’avaient pas permis de leur accorder un niveau supérieur de comportements sociaux.
Ainsi, dès les premières découvertes des cultures matérielles préhistoriques au cours du XIXe siècle, puis au début du XXe siècle de la découverte de l’ampleur et de la diversité des cultures et des civilisations, l’art, c'est-à-dire tout ce qui était confié à ce concept générique de productions humaines non utilitaires, avait fait de l’Homme un Humain parfait, accompli dans le sens du progrès véhiculé par l’idéologie positiviste et académique d’alors en vigueur.